samedi 13 octobre 2012

Impressions d'Athènes...

Impressions d'Athènes...
----- Original Message -----
de : Domi
To: Luc
Sent: Wednesday, October 10, 2012 11:27 PM
Subject: Re: impressions d'Athènes


(...)
Hier Athènes était bouclée, le dispositif policier impressionnant, le ciel bourdonnant d'hélicos et les manifestations interdites (bonjour la démocratie européenne !). De toute façon les Grecs sont plutôt KO en ce moment, hier soir je suis passée sur la place Syntagma vers 19h, elle était quasiment vide (tu sais que les Indignés qui avaient campé des mois ici ont été évacués il y a longtemps déjà), les escouades de policiers bardés comme des tortues ninja (dieu qu'ils sont jeunes pour la plupart, c'est affolant) regagnaient leurs casernes, le portier de l'hôtel Grande Bretagne avait l'air tranquille, les kiosquiers réouvraient.
Comme à chaque fois les camions poubelles et de nettoyage effaçaient vite toute trace sur l'asphalte désert (seuls les taxis pouvaient circuler et il y en avait peu, faute de clients). J'ai vu le film Amour dans un cinéma presque vide, et suis rentrée à pied de Kolonaki à Koukaki (40mn) dans un centre ville calme et comme anesthésié.
N'allons pas croire pour autant que toute révolte est matée, je sais que la colère couve, et je sais aussi que le désespoir peut mener à toutes les extrémités.
La semaine dernière nous avons revu Nikos et moi le fim de Kaurismaki Le Havre , dans un centre antifasciste de quartier qui voulait réfléchir sur les politiques d'immigration. Accueil souriant de ces jeunes et moins jeunes militants. Mais j'ai noté que durant toute la projection l'un d'entre eux au moins montait la garde dehors...
Aube dorée fait peur, et il y a de quoi. Vu ce soir une de leurs manifestations dans le centre d'Athènes sur le thème du refus de brader la richesse nationale. Crânes rasés, brodequins, mines patibulaires mais presque, comme disait Coluche. Un frisson désagréable en passant devant eux.
Et je me suis dit, en repensant au Monde d'hier de Stefan Zweig, peut-être qu'en Allemagne ou en Autriche, il y a 80 ans, des citoyens ont eu comme moi un frisson désagréable en passant un jour dans une rue où manifestaient les chemises brunes de l'époque. Et puis comme moi ils sont allés à leurs affaires, leurs amours, leur vie en somme. Sans trop y penser mais quand même, avec comme une gêne là, à cause de ce quelque chose qu'ils avaient vu et n'auraient pas voulu voir.

C'est toute l'Europe en ce moment qui feint de ne pas voir cette peste brune, qui est pourtant bien de retour, et non seulement ne se cache plus mais parade de plus en plus, et remporte des succès auprès de la population - car ce frisson de répulsion que je ressens, moi, est d'une tout autre nature chez d'autres personnes, qui sont attirées, comme fascinées, je le vois, je le sens.

Son monde d'hier , la Grèce l'a perdu, à coup sûr. Mais celui de demain, que lui réserve-t-il ?

mercredi 10 octobre 2012

Angela Merkel, écoutez le peuple grec, par Manolis Glezos

Angela Merkel, écoutez le peuple grec


Mardi 9 octobre, Angela Merkel se rendait en Grèce. Manolis Glezos *, symbole de la résistance grecque contre l’occupation nazie et député de Syriza, demande à la chancelière d'écouter « la voix de ceux qui résistent aux coupes brutales », rappelant l'aide offerte en 1953 par les Alliés et la Grèce à l'Allemagne: « la suspension des paiements de la dette et l’aide économique ».


A l’occasion de la visite de la Chancelière Allemande en Grèce, nous considérons notre devoir de rappeler tant à elle qu’au Premier Ministre Grec que :

1. La grande et puissante Allemagne n’a pas le droit de se dispenser de ses devoirs, privant ainsi la Grèce de son dû sur la base du droit internationale, tandis qu’il n’est pas aussi permis que la Grèce abdique de ses droits.

2. Les violations du droit international et des principes humains de l’honneur et de la morale portent en elle le danger de voir se répéter des phénomènes qui ont mis à feu et à sang l’Europe. La reconnaissance des crimes nazis constitue une garantie élémentaire que de tels monstruosités ne se répètent pas dans l’avenir.

Notre peuple n’a pas oublié et ne doit pas oublier. Aujourd’hui, il ne demande pas vengeance mais justice. Nous souhaitons que les Allemands aussi n’aient pas oublié. Car les peuples qui refusent leur mémoire historique sont condamnés à commettre les mêmes erreurs. Et il semble qu'Angela Merkel conduise son pays et même la partie la plus sensible du peuple, la jeunesse, sur ce chemin glissant puisque en s’adressant aux jeunes de son parti elle n’a pas hésité de dire que « l’aide a la Grèce doit être liée aux devoirs de la Grèce » . Et quid des devoirs de l’Allemagne?

On aurait attendu de la Chancelière qu'elle fasse preuve d’une attitude analogue à celle des Alliés envers l’Allemagne, quand, en 1953, avec la suspension des paiements de la dette et l’aide économique qu’ils lui ont offert, ils ont contribué au développement et à la reconstruction de l’Allemagne. La Grèce d’alors n’avait pas été absente de cet effort-là.

Nous n’avons pas l’intention d’inviter la Chancelière à dîner. Par contre, nous l’invitons à visiter ensemble le champ de tir de Kaisariani pour qu’elle voit aujourd’hui encore, soixante-sept ans après la fin de la guerre, que l’herbe ne pousse pas là où a été versé tant de sang. La terre n’oublie pas. Alors, les hommes aussi n’ont pas le droit d’oublier.

Il est temps d’unir notre voix à la voix du président du parti allemand de Gauche (Die Linke), Bernd Riexinger, qui, à l’occasion de la venue d’Angela Merkel en Grèce, lui demande d’écouter la voix de ceux qui résistent aux coupes brutales, lesquelles menacent d’approfondir la polarisation dans le pays. Il avertit que la Grèce est en danger de catastrophe humanitaire.

Nous sommes déjà en train de payer cette polarisation en mon pays avec l’apparition de l’Aube Dorée. Est-ce qu’on va rester les bras croisés, attendant aussi de voir les conséquences de la catastrophe humanitaire? Alors, il sera trop tard non seulement pour la Grèce, mais pour l’Europe toute entière.



*Manolis Glezos, 90 ans, est le symbole vivant de la résistance contre l’occupation nazie. Le 30 mai 1941, il fut l’un des deux jeunes hommes qui avaient dérobé l’immense drapeau nazi flottant sur l’Acropole. Condamné à mort à plusieurs reprises durant et après la guerre civile, M. Glezos a passé au total plus de onze ans en prison. Aujourd’hui, il est député de Syriza (Coalition de la Gauche Radicale).
URL source: http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/081012/angela-merkel-ecoutez-le-peuple-grec