Pitié pour les Grecs
Face au discours dominant – les Grecs ont bien mérité ce qui leur arrive – un éditorialiste polonais appelle à changer de regard et à faire preuve d'un minimum de solidarité européenne.
14.02.2012 | Marek Beylin | Gazeta Wyborcza
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Qu'ils aillent se faire voir : voilà le ton qui domine dans les commentaires non seulement en Pologne mais dans l'Europe entière. Je lis partout des tas de choses sur la paresse et l'irresponsabilité de la société grecque. Sur le fait qu'ils ne sont pas adaptés à l'Europe, au capitalisme, mais qu'ils le seraient si on leur donnait une bonne leçon. S'ils payaient un lourd tribut pour leurs fautes, pour la vie à crédit.
Aujourd'hui, presque plus personne ne compatit avec les Grecs. Au contraire, plus ils protestent contre les coupes budgétaires et plus ils descendent dans la rue, plus c'est la preuve pour l'Europe de leur obstination dans le péché. Cette colère à leur endroit est doublée d'une fausse croyance qui veut que s'il n'y avait pas eu de crise grecque, la paix et l'ordre auraient régné en Europe. A l'occasion, des vieilles rancœurs jamais éteintes revivent, d'un Nord plus riche face à un Sud moins développé. En Pologne, cette manière d'envoyer les Grecs au diable a encore une autre raison : nous pouvons ainsi nous sentir proches des sociétés riches du Nord et avoir l'impression de jouer dans la même ligue qu'eux.
Antipathie, mépris, diktat
C'est comme ça qu'on crée en Europe une société de parias. Une société de gens mauvais, indignes qu'on leur apporte de l'aide et incapables de se gouverner. Ce ne sont plus des humains, des citoyens, mais une populace européenne, avec laquelle on devrait user de moyens exceptionnels pour la rendre docile. Cette attitude envers les Grecs constitue un test de laboratoire intéressant sur la solidarité européenne, voire de la solidarité humaine tout court. Antipathie, mépris, volonté de soumettre à un diktat : voilà le fuel avec lequel se chauffe la politique en Europe. Le message qui en émerge : pas de pitié pour les vaincus.
Selon l'opinion généralement répandue, les grèves et les protestations en Grèce sont absurdes. Mais n'importe quelle société européenne serait probablement descendue dans la rue si on lui appliquait ce genre de coupes budgétaires, si ses conditions de vie s'étaient autant dégradées et si on les accompagnait d'annonces sinistres selon lesquelles l'avenir ne pourra être que pire. Si vous déstabilisez le présent des gens, si vous leur amputez l'avenir, ils vont se rebeller indépendamment du degré de leur culpabilité pour la situation dans laquelle ils se trouvent. C'est pourquoi ce qui arrive à la Grèce ne fournit pas forcément de preuve de leur culpabilité. En revanche, cela fournit certainement la preuve que les solutions économiques appliquées à ce pays n'ont plus rien à voir avec le bon sens politique.
C'est d'autant plus important que ce qui fait l'actualité en Grèce pourrait se produire demain en Pologne ou dans d'autres pays européens si la crise nous prenait en tenaille. Au lieu de combattre si vaillamment les Grecs, nous ferions mieux de remettre en question les mesures appliquées à la Grèce.
Aujourd'hui, presque plus personne ne compatit avec les Grecs. Au contraire, plus ils protestent contre les coupes budgétaires et plus ils descendent dans la rue, plus c'est la preuve pour l'Europe de leur obstination dans le péché. Cette colère à leur endroit est doublée d'une fausse croyance qui veut que s'il n'y avait pas eu de crise grecque, la paix et l'ordre auraient régné en Europe. A l'occasion, des vieilles rancœurs jamais éteintes revivent, d'un Nord plus riche face à un Sud moins développé. En Pologne, cette manière d'envoyer les Grecs au diable a encore une autre raison : nous pouvons ainsi nous sentir proches des sociétés riches du Nord et avoir l'impression de jouer dans la même ligue qu'eux.
Antipathie, mépris, diktat
C'est comme ça qu'on crée en Europe une société de parias. Une société de gens mauvais, indignes qu'on leur apporte de l'aide et incapables de se gouverner. Ce ne sont plus des humains, des citoyens, mais une populace européenne, avec laquelle on devrait user de moyens exceptionnels pour la rendre docile. Cette attitude envers les Grecs constitue un test de laboratoire intéressant sur la solidarité européenne, voire de la solidarité humaine tout court. Antipathie, mépris, volonté de soumettre à un diktat : voilà le fuel avec lequel se chauffe la politique en Europe. Le message qui en émerge : pas de pitié pour les vaincus.
Selon l'opinion généralement répandue, les grèves et les protestations en Grèce sont absurdes. Mais n'importe quelle société européenne serait probablement descendue dans la rue si on lui appliquait ce genre de coupes budgétaires, si ses conditions de vie s'étaient autant dégradées et si on les accompagnait d'annonces sinistres selon lesquelles l'avenir ne pourra être que pire. Si vous déstabilisez le présent des gens, si vous leur amputez l'avenir, ils vont se rebeller indépendamment du degré de leur culpabilité pour la situation dans laquelle ils se trouvent. C'est pourquoi ce qui arrive à la Grèce ne fournit pas forcément de preuve de leur culpabilité. En revanche, cela fournit certainement la preuve que les solutions économiques appliquées à ce pays n'ont plus rien à voir avec le bon sens politique.
C'est d'autant plus important que ce qui fait l'actualité en Grèce pourrait se produire demain en Pologne ou dans d'autres pays européens si la crise nous prenait en tenaille. Au lieu de combattre si vaillamment les Grecs, nous ferions mieux de remettre en question les mesures appliquées à la Grèce.
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