lundi 13 février 2012

Un témoignage reçu sur la manif d'hier soir à Athènes

(...) Les forces de l'ordre avaient manifestement ordre d'empêcher une manifestation immense, comportant des gens de tous les âges et beaucoup de familles, et au départ PACIFIQUE, d'accéder à la place Syntagma, près du Parlement où se déroulaient les discussions sur le nouveau plan d'austérité demandé par la Troïka. Nous avons été repoussés sans arrêt dans les rues adjacentes, et nous avons dû finalement renoncer tandis que les heurts se faisaient de plus en plus violents. Ensuite les casseurs (ou provocateurs, on le soupçonne fortement cette fois encore) ont mis le feu à une vingtaine d'édifices en centre ville.

Sachez que dès l'heure du rassemblement, vers 17h, la police n'a pas hésité à asperger de lacrymogènes Mikis Theodorakis et Manolis Glézos (90 ans, celui qui au péril de sa vie avait descendu le drapeau nazi de l'Acropole) qui se trouvaient au premier rang des manifestants sur la place Syntagma et qui ont dû être soignés à l'infirmerie du Parlement. Voyez aussi sur http://fr.mikis-theodorakis.net/index.php/article/articleview/553/1/100/ (page en français du site officiel de Theodorakis et de son mouvement, Elada).

Ce matin on a l'impression d'avoir vécu un cauchemar. Sauf que, si le ciel est tout bleu maintenant et le soleil brillant, pour les Grecs le cauchemar continue... Le nouveau plan d'austérité a été voté. Allez voir par curiosité (et dans un journal peu suspect d'indulgence envers la Grèce, le Figaro) l'article:
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/02/12/20002-20120212ARTFIG00151-grece-les-10-nouvelles-mesures-de-rigueur.php

D'Athènes, ce lundi 13 février


SUITE (second message)

Plus sérieusement, j'ai trouvé remarquable ce document paru sur le site des "Economistes atterrés" (http://atterres.org), "L'imbroglio grec". Il est déjà ancien mais nous explique par le menu comment un pays bien noté par l'Europe et même par les agences de notation est devenu presque du jour au lendemain le vilain mouton noir, et aujourd'hui la bête à abattre sans pitié. C'est ce qui sera fait, n'en doutons plus, dès que les banques auront pu se soulager de leurs créances grecques et obtenir l'assurance d'être recapitalisées avec l'argent des contribuables.

Je suis très pessimiste. Cette nuit a été une nuit d'épouvante. Ce matin sous un ciel bleu et un soleil magnifiques, on a peine à croire à ce que nos yeux ont pourtant vu. Les carcasses calcinées des immeubles détruits se dressent sur les plus belles avenues, et les gens sont atterrés, ils balancent entre la rage et le désespoir. Nikos en vient à légitimer et même à souhaiter la violence, et il n'est pas le seul ici.
Glézos et Theodorakis, fortement touchés par les lacrymogènes parce qu'ils étaient au premier rang des manifestants, ont été soignés en fait à l'infirmerie de la Vouli et sont ressortis hier soir. Ils sont plus que jamais déterminés à lutter: voir sur le site français officiel l'article http://fr.mikis-theodorakis.net/index.php/article/articleview/553/1/100/

Il faut faire circuler ces photos, elles ont selon moi le pouvoir de sensibiliser des gens jusque-là un peu indifférents!

L'origine des incendies d'hier est plus que suspecte: j'entends à l'instant à la radio que les "koukoulophoroi" qui ont mis le feu sont en collusion avec la police, et sont équipés des mêmes bottes - photos à l'appui: bref ça sent la provocation à plein nez. On l'avait déjà dit l'été dernier lorsque des cagoulés aussi s'en étaient pris à des manifestants de la gauche radicale et les avaient bastonnés sans être du tout interrompus par les forces de l'ordre pourtant présentes en nombre.

Le vote du parlement sur les nouvelles mesures se fera à huis clos d'ici une quinzaine, en fait le vote d'hier visait à donner à Papadimos et Venizelos un blanc-seing pour engager la Grèce. Les députés qui ont refusé ont été immédiatement exclus de leur parti.

Plus que jamais il importe que les opinions publiques dans les autres pays soient informées de ce qui se passe vraiment en Grèce, qu'elles comprennent que cette dette est en grande partie illégitime, et que le prétendu "sauvetage" de la Grèce est en fait son arrêt de mort. Et qu'elles comprennent, aussi, que la Grèce sert de sinistre laboratoire aux mesures indignes qui vont nous être appliquées à nous aussi bientôt et qui vont nous faire retourner à une misère et une injustice sociale qu'on n'avait pas vues depuis le XIXe siècle dans les pays développés.

Mais nos compatriotes, pris dans leurs propres problèmes, sauront-ils entendre ce cri? Je voudrais l'espérer encore...

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